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Stoffrollen türmen sich in einem Geschäft übereinander auf

Photo: Reuters

Production et consommation

Bataille sinueuse dans les coulisses de la «fast fashion»

La création d’un outil européen visant à calculer l’empreinte environnementale des produits textiles suscite la colère et la crainte dans l’industrie des fibres naturelles. La faîtière des traders, Suissenégoce, s’est invitée dans ce combat de lobbyistes.

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Bataille sinueuse dans les coulisses de la «fast fashion»

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  • La Commission européenne prépare un outil pour calculer l’empreinte environnementale des produits textiles, le PEF.
  • Suissenégoce, la faîtière des négociants suisses, a alerté Bruxelles d’une potentielle sous-estimation de la pollution par microplastiques des fibres synthétiques.
  • Le PEF se défend de tout biais et dit avoir une approche scientifique, transparente et équitable.
  • Ces tensions révèlent des enjeux importants et des dissensions entre partisans des fibres naturelles et vendeurs de fibres synthétiques.

Ils sont les derniers à être entrés dans la bataille. Un combat technique rugueux, entre politiques et lobbies, aux enjeux aussi importants que sous-estimés pour la planète. Celui de la mise en place d’un outil pour lutter contre le greenwashing dans l’industrie textile.

Une méthodologie, appelée product environmental footprint (PEF), que la Commission européenne veut lancer pour normaliser le calcul de l’empreinte environnementale des produits textiles sur le continent. Une recette qui se veut juste, efficace, scientifique et généralisable pour évaluer l’impact du secteur des chaussures et des vêtements. Le chantier a été lancé en 2019 et il est sur le point d’aboutir malgré une campagne violente à son encontre.

Lettre à Bruxelles

Suissenégoce, la faîtière des négociants en matières premières, s’en est mêlée en envoyant vendredi une lettre aux hautes instances européennes. L’association se fait le porte-voix d’une partie des nombreux marchands de coton en Suisse. Dans son courrier, que Le Temps a pu lire, elle exprime une «profonde inquiétude». Le PEF sous-estimerait la pollution de microplastiques générée par les fibres synthétiques. «Ils sont presque impossibles à enlever de la nature», écrit-elle en reconnaissant que l’industrie du coton doit réduire sa consommation d’eau et son usage de pesticides.

Suissenégoce craint que l’outil de Bruxelles n’ait un effet néfaste sur la demande en coton, une fibre naturelle qui fait travailler des dizaines de millions de personnes dans le monde.

La consommation de textiles a explosé et les outils manquent pour garantir leur durabilité. En moyenne mondiale, chaque personne en utiliserait aujourd’hui 16,5 kg (pas uniquement sous forme d’habits) par an, un chiffre qui a quasiment doublé depuis l’an 2000, selon l’organisation Textile Exchange. La production globale du secteur a d’autant plus accéléré avec la croissance démographique. Les tissus sont désormais surtout synthétiques – mais pas forcément moins chers – et fabriqués en Asie.

Suissenégoce soutient le point de vue de «Make The Label Count» (MTLC), une campagne de l’industrie des fibres naturelles qui affirme que le PEF favorise injustement les matières synthétiques. MTLC indique que les critères de l’outil en élaboration partent au niveau du champ pour les fibres naturelles, alors que pour les matières synthétiques, ils commencent par un baril de pétrole, sans tenir compte des processus en amont pour produire cette énergie. La comparaison ne serait pas équitable.

«Nous soutenons les objectifs européens de régulation climatique de l’industrie textile mais nous remettons en question l’outil envisagé pour mesurer l’impact des textiles, le PEF, car les critères qu’il utilise, et qu’il n’utilise pas, suggèrent que les fibres synthétiques sont plus propres, ce qui n’est pas vrai», indique Dalena White, une porte-parole de MTLC.

Désinformation

D’autres critiques ont jailli dans le sillage de cette campagne. Des lettres ouvertes ont été envoyées à Bruxelles. L’une émane de 900 signataires représentants un demi-million de planteurs. L’Organisation internationale du textile de laine (IWTO) est aussi intervenue.

Pour parler au grand public, ces entités tendent à présenter le PEF comme un label, une sorte de Nutriscore du textile, ce qui est faux, selon elles. Elles affirment que les critères du nouvel outil datent d’une dizaine d’années, quand le problème des microplastiques n’était pas pris en compte. Le secrétariat technique chargé de coordonner le développement du PEF serait, selon les reproches, surtout composé de représentants d’une industrie encline à favoriser les fibres synthétiques. «Une grande partie de ces critiques sont fausses», répond Baptiste Carrière-Pradal, le directeur du secrétariat technique du PEF. «C’est tentant de voir en la fast fashion le méchant qui défend le synthétique, mais ici, ce n’est pas le cas.»

En 2019, la Commission européenne a fait un appel à candidatures et demandé aux représentants de l’industrie textile et de la chaussure de s’unir pour créer un secrétariat technique afin de concevoir le PEF. Les critères de la Commission européenne pour en faire partie sont stricts: 51% de la branche doit notamment y être représentée et l’industrie du lin, du coton et de la laine en fait d’ailleurs partie. Un cinquième de ses membres sont issus de l’industrie des fibres naturelles.

Une fois sa composition validée par Bruxelles, le secrétariat technique a commencé en janvier 2020 ses travaux selon une méthodologie qu’il qualifie dans sa documentation de scientifiquement robuste, objective, équitable et transparente. L’équipe est aujourd’hui sur le point de présenter son outil à la Commission européenne, qui doit le valider.

«Aucun fondement scientifique»

«Les critiques sont souvent sans fondement scientifique et les critères du PEF sont pertinents», affirme Baptiste Carrière-Pradal. Les indicateurs (16 en tout) pris en compte ont d’ailleurs été imposés par la Commission européenne. Les producteurs de laine sont dans une position similaire à celle de la viande, selon lui: elle craint de perdre des plumes car son impact sur l’environnement est important. «J’espère voir rapidement l’industrie tourner la page et commencer un dialogue constructif au sein de la filière, au-delà d’un débat entre fibres, pour travailler ensemble à la réduction de nos impacts environnementaux», conclut-il.

Les enjeux pour les négociants en coton sont importants, selon Florence Schurch. La secrétaire générale de Suissenégoce souligne que les producteurs ne vendent pas seulement la fleur. L’industrie extrait aussi l’huile de ses graines, pour une alimentation humaine, et des tourteaux de coton, pour nourrir le bétail.

Un bon quart du coton mondial serait négocié en Suisse, selon la Confédération. LDC, un groupe néerlandais présent à Genève, et Olam (basé à Singapour) seraient ses principaux traders. Suivent Cofco International (GE), Viterra, les coopératives américaines Calcot et Staple, le zurichois Paul Reinhart, les vaudois ECOM, ADM, StoneX CDI, Faircot et le tessinois ICT Trading.

Richard Etienne, «Le Temps» (19.03.2025)

Sustainable Switzerland publie ici des contenus de Le Temps.

Cet article traite des SDG suivants

Les Objectifs de développement durable (ODD) sont 17 objectifs mondiaux de développement durable convenus par les États membres de l'ONU dans l'Agenda 2030. Ils couvrent des thèmes tels que la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation, l'égalité des sexes, l'eau propre, les énergies renouvelables, la croissance économique durable, les infrastructures, la protection du climat et la protection des océans et de la biodiversité.

12 - Consommation et production responsables

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