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Magasin de H&M

Photo: Afif Ramdhasuma

Production et consommation

La fast fashion peut-elle être durable? H&M se bat dans un environnement compliqué

Le groupe d'habillement suédois H&M, numéro deux mondial derrière le groupe espagnol Inditex, voit la lumière au bout du tunnel après une année 2022 difficile. Aujourd'hui, l'entreprise veut non seulement redevenir plus rentable, mais aussi plus verte.

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En Suède, où la modestie et l'égalité ont une grande valeur, il est rare de se faire des amis avec une apparence ostentatoire. On le sait aussi chez H&M, l'entreprise suédoise qui est aujourd'hui le deuxième plus grand groupe de vêtements du monde après le groupe espagnol Inditex. Ainsi, la présence de H&M, idéalement située dans le centre commercial de Stockholm, n'est pas ostentatoire mais ne peut être ignorée.

D'un côté de l'avenue commerçante Drottninggatan se trouve un complexe d'immeubles respectables avec les magasins phares H&M et H&M Home; en face, ce sont les magasins Arket et Monki qui donnent le ton. Chez Arket, on célèbre le design nordique en matière de textile et d'ameublement, tandis que Monki habille une clientèle plus jeune selon les dernières tendances. Toutes ces enseignes concernent des marques qui, sous l'égide de H&M, présentent de nouvelles collections à intervalles relativement courts pour attirer à nouveau la clientèle dans les magasins ou sur les portails en ligne. Dans le jargon, on parle de fast fashion, de «mode rapide».

Modèle d'entreprise avec des contradictions

La fast fashion est un modèle commercial qui comporte pourtant des risques. Comme il est basé sur une rotation rapide, l'optimisation des coûts est essentielle à tous les niveaux, de la production à la distribution. En effet, les clients aiment avoir des prix avantageux. Mais en même temps, les vêtements doivent être produits dans des lieux de travail équitables et ne pas nuire outre mesure à l'environnement. A ces attentes des consommateurs, qui sont parfois directement contradictoires, s'ajoute un autre problème pour l'industrie de l'habillement: trouver le bon équilibre entre les magasins physiques et le commerce en ligne. Les magasins sont chers, mais ils procurent une réelle expérience d'achat. En 2019, avant la pandémie, H&M en comptait encore plus de 6000 dans le monde. Maintenant, il y en a environ 10% de moins.

Les analystes du secteur considèrent que le groupe se trouve ici dans une situation délicate. En ce qui concerne les marques, Zara, la marque d'Inditex qui génère le plus de chiffre d'affaires, a tendance à être considérée par les consommateurs comme étant «de plus grande valeur» que les produits de H&M, peut-on lire. Quant aux prix, H&M serait sous la pression des acteurs purement en ligne, comme par exemple le distributeur chinois Shein, qui fait tourner ses collections encore plus rapidement et ne supporte pas de coûts de magasins.

Les chiffres s'éclaircissent

Les chiffres publiés jeudi par H&M pour le premier trimestre 2023 (de décembre à février) reflètent également ce mélange des genres. L'année dernière, son retrait de la Russie suite à la guerre du Kremlin contre l'Ukraine a eu un impact négatif sur le résultat. D'autre part, les coûts plus élevés de l'énergie, du transport et des matières premières ont pesé sur les marges.

Face à cette situation, H&M a décidé de ne pas répercuter l'intégralité de la hausse des dépenses dans ses prix, pour ne pas décourager les consommateurs touchés par l'inflation. Les parts de marché ont été privilégiées à la rentabilité.

Mais la situation commence à s'éclaircir, comme l'a expliqué jeudi la directrice générale, Helena Helmersson, lors de la présentation des résultats trimestriels. Le chiffre d'affaires a augmenté, plus nettement en couronnes suédoises (12%) qu'en monnaies locales (3%) en raison du taux de change. La marge d'exploitation de 1.3% n'a pas été à la hauteur des attentes de l'entreprise à long terme, mais H. Helmersson a indiqué que l'entreprise était en bonne voie pour atteindre 10% dès l'année prochaine.

À la bourse, cela a provoqué un bond marquant du cours, allant jusqu'à 19% – la plus forte augmentation de ce type depuis environ deux décennies. D’une part, les observateurs ont attribué cette situation à la forte réduction des stocks; les vêtements invendus avaient auparavant contraint l'entreprise à des réductions de prix substantielles pendant des années. D'autre part, les vendeurs à découvert, qui avaient spéculé sur une baisse du cours de l'action, ont pu être surpris par les résultats et poussés à réagir.

Selon un journaliste spécialisé du «Wall Street Journal», de bons chiffres économiques ne suffisent toutefois pas à assurer le succès d'une marque. L'important, c'est qu'une marque de mode s'adresse aussi aux consommateurs sur le plan émotionnel.

La durabilité, un argument pour la marque

H&M mise ici notamment sur la durabilité. Mais il s'agit d'un exercice d'équilibre délicat, car le concept de fast fashion, dans sa forme actuelle, est quasiment l'antithèse d'une utilisation consciente des ressources limitées.

D'un côté, le modèle commercial donne à la clientèle la mentalité du «jetable». Par ailleurs, selon le réseau mondial Clean Clothes Campaign, sur les 100 milliards de vêtements produits chaque année, les trois cinquièmes finissent à la poubelle en moins d'un an. Et comme ils sont si bon marché, 50% des vêtements traîneraient chez leurs propriétaires sans avoir été utilisés.

La directrice de H&M, H. Helmersson, a souligné jeudi que les investissements dans de nouveaux modèles commerciaux faisaient partie d'une stratégie de groupe axée sur une plus grande durabilité. Elle a cité la plateforme en ligne de seconde main Sellpy, qui se développe de manière dynamique.

Des tentatives de recyclage sont également visibles dans les magasins H&M de Stockholm. Monki, par exemple, accepte les vêtements portés en bon état et verse 40% à l'ancien propriétaire si une pièce peut être revendue en tant que «pre-loved». Sinon, on peut soit les récupérer, soit les confier au partenaire de recyclage de H&M, Remondis. Pour l'instant, seuls deux magasins de Stockholm proposent ce service. Le projet devrait toutefois être lancé prochainement à l'étranger.

Le magasin phare abrite un atelier «Repair & Remake», où l'on peut faire adapter et réparer des vêtements – même ceux d'autres marques – contre paiement. En outre, en 2020, le «Looop» a été inauguré au deuxième étage. Il s'agit d'une machine de recyclage entièrement automatisée, qui nettoie les vieux vêtements en coton, les déchiquette, les mélange à du coton neuf, transforme le tout en fil neuf et en fait quelque chose de nouveau dans une machine à tricoter 3D. Celui qui apporte un vieux vêtement peut indiquer sous quelle forme il doit lui revenir.

La «Green Machine» fait-elle une percée?

«Les réactions au ‹Looop› ont été positives, mais ce n'est pas encore une solution évolutive», explique Christiane Dolva, experte en durabilité à la H&M Foundation. La fondation philanthropique a été constituée par la famille d'entrepreneurs Persson, qui a créé H&M et en détient toujours la majorité. La fondation elle-même n'est cependant pas sous leur toit.

Faire cet aveu à propos de «Looop» est toutefois facile pour Christiane Dolva. Car ce qui constitue une solution évolutive, elle l'a également déjà dans sa manche.

Le projet s'appelle «The Green Machine». Comme le «Looop», il est développé par la fondation H&M dans le cadre d'un programme appelé Planet First. Contrairement au «Looop», la «machine verte» est capable de travailler avec plusieurs types de fibres textiles et même de recycler des vêtements usagés contenant des fibres mélangées.

D'un point de vue technologique, la séparation des fibres synthétiques et de la cellulose représente un grand bond en avant, car les vêtements sont généralement composés de plus d'un type de fibres. Environ la moitié de toutes les fibres textiles sont à base de polyester; elles sont populaires parce qu'elles sont bon marché. Le coton en représente à peine un quart. Pour le recyclage, la machine n'utilise que de la chaleur, de l'eau, de la pression et un produit chimique biodégradable.

A la fin du processus, on obtient des fibres de polyester et une poudre de cellulose, deux matériaux de base pour de nouveaux vêtements. Dans le cas de la poudre de cellulose, on a découvert par hasard une autre possibilité d'utilisation, qui est maintenant testée: ajoutée aux sols des plantations de coton en tant que matériau superabsorbant, elle permet de réduire considérablement la consommation d'eau tout en améliorant la qualité des récoltes.

Mais la «machine verte» n'est pas seulement capable de traiter des tissus en fibres mélangées: l'appareillage maîtrise déjà l'utilisation industrielle à grande échelle. «Un exemplaire d'une capacité de 1.5 tonne par jour est déjà en service commercial en Indonésie», explique Christiane Dolva. Cette machine traite principalement les déchets textiles issus du processus de production. Des commandes ont également été passées par la Turquie, et le Cambodge a réalisé des études de faisabilité, deux pays qui ont également une forte industrie textile.

Il reste toutefois un écueil pour une percée globale: même les vêtements usagés qui servent à nourrir la «Green Machine» doivent encore être triés à la main.

Reste enfin à voir comment tout cela cela s'inscrit dans la structure de l'industrie mondiale de l'habillement. «Toute nouvelle technologie est coûteuse avant un changement d’échelle, explique Christiane Dolva, mais nous sentons dans le secteur une grande volonté de tester le processus de recyclage». Elle précise que le travail de la Fondation H&M n'est pas seulement destiné à l'entreprise suédoise, mais à l'ensemble du secteur textile: «Nous remplissons la boîte à outils du futur pour tous ceux qui veulent avoir ces outils. Il suffit de les prendre».

Rudolf Hermann, «Neue Zürcher Zeitung» (30.03.2023)

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