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Photo: Mathis Mauprivez / Unsplash

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En 2023, l’Europe a subi les foudres d’un climat réchauffé

Inondations, chaleurs et incendies extrêmes, recul des glaces, canicules marines… le bilan de l’année dernière confirme que le Vieux-Continent subit de plein fouet les effets attendus du réchauffement climatique. Notamment parce que le thermomètre y grimpe, en moyenne, deux fois plus vite que sur la planète.

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En 2023, l’Europe a subi les foudres d’un climat réchauffé

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A consulter sa litanie de chiffres alarmants et de graphiques rouge sang, on peine à imaginer que le bilan climatique 2023 du continent européen puisse receler une once de bonne nouvelle. Publié conjointement ce lundi par Copernicus – C3S, le service climatique de l’UE – et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), ce rapport confirme une fois encore ce que les climatologues prêchent depuis des années dans le désert: un monde réchauffé connaît une multiplication des événements météorologiques extrêmes. Avec désormais près de 2,5 °C de hausse de température moyenne depuis l’époque préindustrielle – presque le double de la hausse de la planète prise dans son ensemble – l’Europe n’est pas en reste en matière de catastrophes naturelles.

L’année 2023 a connu une impressionnante suite d’événements extrêmes. Ainsi, en août, après des pluies diluviennes, les deux tiers de la Slovénie se sont retrouvés sous l’eau, affectant 1,6 million de personnes, soit les trois quarts de la population! Six personnes ont péri. En Italie en mai, 23 rivières ont débordé en même temps, obligeant à déplacer 36 000 personnes et faisant 15 morts.

L’équivalent d’une année de pluie en vingt-quatre heures

Dans certaines régions de Grèce, en septembre, la tempête Daniel a déversé en vingt-quatre heures autant d’eau qu’il en tombe en une année entière. Elle a fait 29 morts en Grèce, en Turquie et en Bulgarie avant de frapper quelques jours plus tard la Libye. «On y dénombre 4700 morts et 8000 disparus après la rupture de deux barrages qui ont inondé la ville de Derna [au nord-est du pays, ndlr]», a rappelé Rebecca Emerton, du C3S (Copernicus), lors d’une conférence de presse de présentation du rapport. Entre octobre et décembre, une succession de tempêtes a également provoqué des inondations en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France.

Des chaleurs parfois spectaculaires

L’été européen a été marqué par des conditions de stress thermique parfois extrême, en particulier sur le sud. C’est un paramètre calculé à partir de la température, de l’humidité de l’air et de l’irradiation solaire. Ainsi en juillet, jusqu’à 41% de la superficie de l’Europe méridionale ont subi des températures ressenties supérieures à 32 °C. «Elles ont parfois dépassé 46 °C pendant plusieurs jours en Espagne, en France, en Italie et en Sardaigne ainsi qu’en Turquie», a souligné Samantha Burgess, vice-présidente du C3S. La suite de l’été a donné lieu à une accalmie sur ces régions avant une seconde vague de chaleur en août. 2023 représente l’année la plus chaude (ou la deuxième, suivant le jeu de données d’observation utilisé) du continent depuis le début des enregistrements historiques.

Cette surchauffe estivale a desséché les sols et logiquement engendré de nombreux incendies. Et ce sont 500 000 hectares qui ont brûlé sur le continent, principalement en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Italie, provoquant la mort de 44 personnes. La Grèce a connu le plus important incendie jamais observé en Europe (96 000 ha, soit 960 km2).

Le fort recul des glaciers se poursuit

L’anomalie de température a également pesé sur l’état de la cryosphère. On recense ainsi moins de chutes de neige que la moyenne sur la plupart du continent, à l’exception d’une partie de la Scandinavie. Dans les Alpes, seuls trois lieux ont connu un enneigement au-dessus de la moyenne; partout ailleurs celui-ci était bien inférieur à celle-ci.

Ce déficit de neige et les températures parfois caniculaires en montagne ont fortement impacté les glaciers européens, en particulier dans les Alpes déjà touchées par une année record l’année précédente. Entre 2022 et 2023, cette région a perdu 10% de sa glace! Une évolution qui menace l’approvisionnement en eau des régions qui en dépendent. «Le niveau du Po est resté toute l’année inférieur à la normale, et nettement en dessous entre février et avril», a expliqué Rebecca Emerton.

Les canicules ont aussi frappé les mers qui bordent les rivages européens, en particulier au large de la Grande-Bretagne et de l’Irlande où les eaux de l’Atlantique Nord-est affichaient une température jamais vue: 1,76 °C au-dessus de la moyenne.

Un quasi-doublement des décès liés aux canicules depuis 1970

Un mot pour terminer sur l’impact humain et financier de cette multiplication d’événements extrêmes. On relève sur le continent européen 63 décès liés aux tempêtes, 44 aux inondations et 44 aux incendies. En revanche, la mortalité liée au stress thermique et aux canicules n’est pas chiffrée dans le rapport. «Ces données ne sont pas encore consolidées pour 2023, a expliqué José Alvaro Silva, de l’Organisation météorologique mondiale. Mais nous savons qu’il y a eu une surmortalité car certains pays ont déjà communiqué des chiffres.»

Le document souligne que les décès liés aux canicules ont grimpé de 94% depuis 1970; 23 des 30 plus importantes canicules observées sont survenues depuis 2000. Enfin, les événements climatiques de 2023 auraient engendré une perte économique de 13,4 milliards d’euros en Europe, dont 81% pour les seules inondations.

Un effet contrasté sur l’offre et la demande d’électricité

Le rapport de Copernicus et de l’OMM a mis l’accent sur le rôle des conditions météorologiques dans la production d’électricité d’origine renouvelable (éolien terrestre, solaire et hydraulique au fil de l’eau), ainsi que sur la demande d’électricité et d’énergie.

L’an dernier, la part de ces énergies dans la production d’électricité en Europe s’est établie à 43%, du jamais vu, contre 36% en 2022. Comme cette année-là, le vent, l’eau et le soleil ont produit plus d’électricité que les combustibles fossiles sur le Vieux-Continent. Et il y a deux raisons à cela. D’une part, les nouvelles installations d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques se poursuivent. D’autre part, la météo chahutée de 2023 a donné un petit coup de pouce à une partie de ces installations.

Cela se mesure à l’aune de ce que l’on appelle le facteur de capacité: le ratio entre la production électrique réelle et celle qu’elle aurait été si l’outil de production avait fonctionné 8750 heures dans l’année (soit 24h/24) à sa puissance théorique. Ce facteur n’est jamais de 100% – pas même pour le nucléaire, le gaz ou le charbon, notamment pour cause de maintenance des centrales. Pour l’éolien terrestre européen en 2023, ce facteur de capacité affiche une fourchette d’évolution, par rapport à l’année précédente, comprise entre -9% et +24%. Cela signifie que la production d’une entité existante en 2022 a diminué ou augmenté d’autant en 2023. A noter qu’avec 22% de hausse du facteur de capacité, l’éolien suisse a profité des brises fréquentes d’un automne marqué par des tempêtes. L’Allemagne, leader du continent en la matière, a de son côté profité d’une hausse proche de 12%.

Dans les pays dotés de centrales hydrauliques au fil de l’eau – hors barrages, donc –, le facteur de capacité s’est là aussi accru, en particulier au Portugal et en Autriche, en Italie et en Finlande. L’effet d’une pluviométrie accrue qui a nourri le débit des cours d’eau et donc leur production.

Pour le solaire, la situation est très contrastée. L’Europe de l’ouest et méridionale ainsi que la Scandinavie ont profité d’un rayonnement solaire légèrement plus intense. Plus à l’est, en revanche – et notamment en Allemagne, un des leaders européens du solaire électrique – ou sur les îles Britanniques, le soleil était un peu en berne.

Ces bonnes nouvelles sur le front du renouvelable sont néanmoins bien relatives. D’abord parce que l’électricité représente moins de 20% de l’énergie finale consommée en Europe, contre 70% pour le pétrole, le gaz et le charbon. Ensuite parce que la météo de 2023 a également engendré un effet négatif sur la demande d’énergie: les vagues de chaleur au sud y ont entraîné une hausse de la consommation électrique pour la climatisation. De même, en Scandinavie, la fraîcheur de l’été a engendré une demande de chauffage accrue.

Denis Delbecq, «Le Temps» (22.04.2024)

Sustainable Switzerland publie ici des contenus de Le Temps.

Cet article traite des SDG suivants

Les Objectifs de développement durable (ODD) sont 17 objectifs mondiaux de développement durable convenus par les États membres de l'ONU dans l'Agenda 2030. Ils couvrent des thèmes tels que la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation, l'égalité des sexes, l'eau propre, les énergies renouvelables, la croissance économique durable, les infrastructures, la protection du climat et la protection des océans et de la biodiversité.

13 - Lutte contre le changement climatique

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