L’utopie d’une aviation durable

Le choc fut immense, il y a environ trois ans, quand une vague de critiques commença à cibler de manière virulente la compensation climatique dans les voyages. Considéré jusqu’alors comme l’incarnation de la vertu, ce mécanisme permettait, en théorie, de neutraliser les impacts négatifs du secteur sur le plan climatique, notamment les émissions de carbone. Mais les médias ont étrillé les projets, nombreux, qui n’avaient pas tenu leurs promesses, ainsi que l’organisation bâclée, voire frauduleuse, des mesures de contrôle. 

Ce mécanisme avait été mis en place une vingtaine d’années auparavant pour répondre aux préoccupations liées à la protection du climat, notamment dans le tourisme. Il s’agissait notamment de reboiser et de financer les biocarburants durables dans le secteur du transport aérien de manière à réduire les émissions de carbone. Ce modèle commercial a fini par être brutalement remis en question. 

Des normes renforcées

«Cette critique a provoqué une certaine inquiétude à court terme et nous avons enregistré une baisse des contributions à la protection climatique», explique Irina Ignat, cheffe d’équipe marketing à la fondation MyClimate, leader en projets de protection climatique. Andrea Boffa, directrice de la Fédération Suisse du Voyage (FST), explique aussi que la confiance accordée à la compensation «a été quelque peu ébranlée». 

Mais chaque crise représente également une opportunité. Ainsi, les opérateurs touristiques comme le secteur de la compensation ont amélioré leur transparence, renforcé leurs normes et durci leurs mécanismes de contrôle. Ainsi, le groupe Lufthansa veille à ce que tous les projets répondent aux «normes de qualité et aux critères stricts» développés par la Fondation Allianz pour le climat et le développement, explique Michael Weinmann, porte-parole de Swiss. Pour MyClimate, la critique a donné «une impulsion considérable au développement» des projets de protection climatique.

Ces réactions ont permis de rattraper cette perte de confiance. Le mécanisme de la compensation climatique a encore de beaux jours devant lui. Chez Swiss, on constate en tout cas une «tendance positive en ce qui concerne le nombre de voyageurs qui font usage des offres mises à disposition», déclare Michael Weinmann. Andrea Beffa, de la Fédération suisse des voyages, partage cette appréciation. L’évaluation d’Irina Ignat est plus ambivalente. «Il n’y a pas de tendance claire», dit-elle. D’une part, le calculateur de carbone sur le site web de MyClimate est de plus en plus utilisé, mais le nombre de tonnes de protection climatique effectivement financées est en baisse. «En d’autres termes, de plus en plus de personnes s’intéressent à la quantité de carbone émise lors de leurs voyages, mais elles se montrent de moins en moins disposées à y remédier concrètement.» 

Actuellement, environ quatre pour cent des passagers et passagères du groupe Lufthansa utilisent l’une des différentes possibilités pour voler de manière plus durable. Chez Hotelplan Suisse, environ une réservation sur quatre propose une contribution au carburant aérien durable, selon Andrea Beffa. De son côté, MyClimate constate que les entreprises touristiques intègrent de plus en plus les contributions à la protection climatique dans leurs offres. 

Des voyages à faible émission

Le secteur du voyage veut continuer à promouvoir la compensation climatique. Selon Andrea Beffa, la Fédération suisse des voyages forme ses membres à la durabilité et développe un projet pour visibiliser l’empreinte climatique de l’offre. MyClimate attire l’attention sur des prestataires comme Twerenbold-Reisen, qui ont intégré les voyages à émissions de carbone réduites dans leur offre de base, sans frais supplémentaires pour leur clientèle. L’entreprise est particulièrement fière des résultats du programme «Cause we care», qui permet aux voyageurs et voyageuses d’apporter une contribution climatique doublée par l’agence de voyages. Swiss promeut avec succès le «tarif vert» et propose une compensation des émissions de carbone pour les liaisons européennes, dont 20% en carburant durable et 80% en projets de protection du climat. L’attractivité de leur offre est renforcée par des réservations plus flexibles et des miles supplémentaires. 

Michael Weinmann de Swiss explique que ces mesures ne représentent qu’une partie des efforts d’amélioration du bilan de durabilité de la compagnie aérienne. Le renouvellement de la flotte joue également un rôle important. «Le changement vers une aviation plus respectueuse du climat est laborieux. Il n’est possible que si tout le monde y met du sien: les compagnies aériennes, la politique, l’économie, les passagers et passagères. «Ce qui vaut pour l’aviation vaut aussi pour l’ensemble du secteur du tourisme.»